Divinus Perfectionis Magister (Français)

DIVINUS PERFECTIONIS MAGISTER (1983)

 

La Constitution Apostolique
Divinus Perfectionis Magister

Jean Paul Évêque, Serviteur des Serviteurs de Dieu, pour que mémoire s’en garde à jamais.

Maître et modèle divin de toute perfection, Jésus-Christ, qui, avec le Père et l’Esprit Saint, est célébré comme le « seul saint », a aimé l’Église comme son épouse et s’est livré pour elle afin de la sanctifier et de se la présenter à soi-même toute resplendissante de gloire.  C’est pourquoi, après avoir commandé à tous ses disciples d’imiter la perfection du Père, il leur envoie l’Esprit Saint pour que celui-ci les meuve intérieurement à aimer Dieu de tout leur cœur et à s’aimer les uns les autres comme lui-même les a aimés. Appelés et justifiés par Jésus-Christ, non selon leurs œuvres mais selon le dessein et la grâce de Dieu, les disciples du Christ – comme nous en avertit le Concile Vatican II – sont devenus dans le baptême de la foi vraiment fils de Dieu et participant de la nature divine et, par conséquent, réellement saints.(1)

Parmi ces disciples, en tout temps, Dieu en a choisi qui, ayant suivi au plus près l’exemple du Christ, ont témoigné magnifiquement du Royaume des Cieux par l’effusion de leur sang ou par la pratique héroïque des vertus.

L’Église, qui dès les premiers siècles du christianisme a toujours cru que les Apôtres et les Martyrs nous étaient unis de façon particulièrement étroite dans le Christ, les a entourés d’une vénération spéciale, avec la bienheureuse Vierge Marie et les saints Anges, et a pieusement imploré le secours de leur intercession.  On leur ajouta bientôt ceux qui avaient imité de plus près la virginité et la pauvreté du Christ et enfin tous ceux qu’une pratique remarquable des vertus chrétiennes et les charismes divins recommandaient à la pieuse dévotion et à l’imitation des fidèles.

Lorsque nous considérons la vie de ceux qui ont fidèlement suivi le Christ, nous y trouvons comme un nouveau motif qui nous pousse à rechercher la cité future et nous y découvrons l’indication tout à fait sûre de la voie par laquelle, au milieu des choses changeantes de ce monde, selon l’état et la condition particulière de chacun, nous pouvons arriver à l’union parfaite avec le Christ, c’est-à-dire à la sainteté.  Ayant devant nous une telle nuée de témoins, à travers lesquels Dieu se rend présent à nous et nous parle, nous sommes fortement incités à nous employer à atteindre son Royaume céleste.(2)

Accueillant avec respect et docilité ces signes de son Seigneur et écoutant sa voix, le Siège apostolique, en vertu de la lourde mission qui lui est confiée d’enseigner, de sanctifier et de gouverner le Peuple de Dieu, a, depuis des temps immémoriaux, proposé à l’imitation, à la vénération et à la prière des fidèles, des hommes et des femmes qui se sont distingués par l’éclat de leur charité et des autres vertus évangéliques ; et, après avoir conduit les enquêtes nécessaires, a déclaré, en les canonisant, qu’ils étaient saints ou saintes.

L’instruction des causes de canonisation, que Notre prédécesseur Sixte Quint confia à la Congrégation des saints Rites, fondée par lui,(3) vit sa procédure sans cesse enrichie au cours des siècles, notamment par Urbain VIII,(4) de nouvelles normes que Prosper Lambertini (devenu par la suite Benoît XIV), recueillant également les expériences du passé, transmit à la postérité dans l’ouvrage intitulé « De Servorum Dei beatificatione et beatorum canonizatione », ouvrage qui servit de règle à la Sacrée Congrégation des Rites pendant près de deux siècles. Ces normes, enfin, furent substantiellement reçues dans le Code de Droit canon publié en 1917.

Cependant, avec les progrès considérable des sciences historiques, s’est fait jour la nécessité de doter la Congrégation d’un instrument de travail plus adapté à notre temps ; afin de mieux répondre aux exigences de la critique historique, Notre prédécesseur Pie XI institua, par la Lettre apostolique « Già da qualche tempo » donnée motu proprio le 6 février 1930, la « Section historique » de la Sacrée Congrégation des Rites et lui confia l’étude des causes « historiques ».(5) Le 4 janvier 1939, le même Pontife fit publier les « Normae servandae in construendis processibus ordinariis super causis historicis ».(6)  Ces normes rendaient en fait superflu le procès « apostolique », si bien que, pour les causes « historiques », à partir de ce moment, on ne fit plus qu’un seul procès instruit par l’autorité ordinaire.

Paul VI, ensuite, établit par la Lettre apostolique « Sanctitas clarior », donnée motu proprio le 19 mars 1969,(7) que, pour les causes récentes aussi, on ne ferait qu’un seul procès (procès cognitionalis), ayant pour fin de recueillir les preuves et qui serait instruit par l’Évêque, mais avec l’autorisation du Saint Siège.(8) Ce même Pontife, par la Constitution Apostolique « Sacra rituum congregatio » du 8 mai 1969,(9) institua, à la place de la Sacrée Congrégation des Rites, deux nouveaux dicastères: à l’un il confiait le soin du culte divin, à l’autre les Causes des saints. Par la même occasion, il modifiait partiellement la procédure de ces causes.

Enfin, après les récentes expériences, il Nous a semblé fort opportun de réviser encore la procédure d’instruction des causes et d’organiser cette Congrégation pour les Causes des Saints de manière à répondre aux exigences des experts et aux désirs de Nos Frères dans l’épiscopat qui ont plusieurs fois demandé que soit allégée la procédure, tout en conservant la solidité des enquêtes en une matière d’une telle importance.  Nous pensons aussi, à la lumière de l’enseignement sur la collégialité du Concile Vatican II, qu’il convient tout à fait d’associer davantage les Évêques au Siège Apostolique pour l’étude des causes des saints.

Étant donc abrogées toutes les lois relatives à cette matière, quelles qu’elles soient, Nous établissons que dorénavant l’on observe les normes suivantes.

I. L’ENQUÊTE DIOCÉSAINE

1) Il appartient de droit aux Évêques diocésains, aux Hiérarques et à ceux que le droit leur assimile, à l’intérieur des limites de leur juridiction, soit d’office, soit à la demande de fidèles isolés ou d’associations légitimes de fidèles et de leurs procureurs, d’enquêter sur la vie, les vertus ou le martyre, la renommée de sainteté ou de martyre, les miracles présumés ainsi que, le cas échéant, sur le culte ancien du Serviteur de Dieu dont on demande la canonisation.

2) Dans ces enquêtes, l’Évêque procédera selon les Normes particulières que devra publier la Sacrée Congrégation pour les Causes des Saints et suivant cet ordre:

    1. L’Évêque demandera au postulateur de la cause, nommé légitimement par le demandeur, une information sérieuse sur la vie du Serviteur de Dieu et, en même temps, un exposé des motifs qui semblent conseiller l’examen de la cause.
    2. Si le Serviteur de Dieu a publié des textes écrits par lui, l’Évêque aura soin de les faire examiner par des censeurs théologiens.
    3. Si, dans ces écrits, on n’aura rien trouvé qui soit contraire à la foi et aux bonnes mœurs, l’Évêque chargera alors des personnes compétentes de rechercher les autres écrits inédits (lettres, journal intime, etc.) ainsi que tous les autres documents qui concernent de quelque façon la cause ; après avoir fait soigneusement ce travail, ces personnes rédigeront un rapport sur leurs recherches.
    4. Si, au vu des opérations précédentes, l’Évêque juge prudemment que l’on peut aller de l’avant, il fera en sorte que les témoins produits par le postulateur et les témoins convoqués d’office soient examinés selon les règles.
    Mais s’il y a urgence à entendre des témoins pour ne pas risquer de perdre des éléments de preuve, on les interrogera, même si la recherche des documents n’est pas encore terminée.
    5. L’enquête sur les miracles présumés se fera séparément de celle sur les vertus ou sur le martyre.
    6. Une fois les enquêtes terminées, une copie authentique de tous les actes sera envoyée, en double exemplaire, à la Sacrée Congrégation, en même temps que les exemplaires des livres du Serviteur de Dieu examinés par les censeurs théologiens et que le jugement de ces derniers.
    De plus l’Évêque y ajoutera la déclaration d’absence de culte, selon les décrets d’Urbain VIII.

II. LA SACREE CONGREGATION POUR LES CAUSES DES SAINTS

3) La Sacrée Congrégation pour les Causes des Saints, qui a à sa tête un Cardinal Préfet, aidé d’un Secrétaire, a pour fonction de s’occuper de ce qui concerne la canonisation des Serviteurs de Dieu et cela, soit en aidant de ses conseils et de sa compétence les Évêques pour l’instruction des causes, soit en étudiant les causes à fond, soit enfin en donnant son avis.
    Il revient à cette même Congrégation de décider de tout ce qui concerne l’authenticité et la garde des reliques.

4) Le Secrétaire a pour fonction de:

    1. s’occuper des relations avec l’extérieur, et surtout avec les Évêques qui instruisent les causes ;
    2. prendre part aux discussions sur les causes et donner son avis au cours de la congrégation des Cardinaux et des Évêques ;
    3. faire, sur les jugements exprimés par les Cardinaux et les Évêques, un rapport qui devra être transmis au Souverain Pontife.

5) Pour s’acquitter de sa tâche, le Secrétaire est aidé d’un Sous-Secrétaire à qui il revient surtout de voir si les prescriptions de la loi ont été observées dans l’instruction des causes ; il est également aidé par un nombre convenable d’Officiers subalternes.

6) Pour étudier les causes à la Sacrée Congrégation, il y a un Collège de Rapporteurs présidé par le Rapporteur général.

7) Il appartient à chaque Rapporteur:

    1. d’étudier avec des collaborateurs externes les causes qui lui sont confiées et de préparer avec eux les Positions sur les vertus ou sur le martyre ;
    2. de rédiger des éclaircissements historiques lorsque les Consulteurs le demandent ;
    3. d’être présent en tant qu’expert au congrès des théologiens, mais sans droit de vote.

8) L’un des Rapporteurs sera spécialement chargé de la préparation des Positions sur les miracles ; il assistera à la réunion des médecins et au congrès des théologiens.

9)  Le Rapporteur général, qui préside la réunion des Consulteurs historiens, est aidé par quelques Assistants.

10) Il y a, à la Sacrée Congrégation, un Promoteur de la foi ou Prélat théologien, à qui il appartient :

    1. de présider, avec droit de vote, le congrès des théologiens ;
    2. de faire un compte rendu de ce congrès ;
    3. d’assister à la congrégation des Cardinaux et Évêques en tant qu’expert, mais sans droit de vote.
    Pour l’une ou l’autre cause, s’il en était besoin, le Cardinal Préfet pourrait nommer un Promoteur de la foi ad casum.

11) Pour l’examen des causes des saints, la Sacrée Congrégation a à sa disposition des Consulteurs, originaires du monde entier, spécialistes soit en histoire, soit en théologie surtout spirituelle.

12) Pour l’examen des guérisons proposées comme miracles, la Sacrée Congrégation dispose d’un groupe d’experts médecins.

III. PROCEDURE DE LA SACREE CONGREGATION

13) Lorsque l’Évêque aura envoyé à Rome tous les actes et tous les documents relatifs à la cause, on procédera de la façon suivante à la Sacrée Congrégation pour les Causes des Saints:

    1. Avant toute autre chose, le Sous-Secrétaire vérifiera si, dans les enquêtes menées par l’Évêque, tout a bien été fait dans le respect des normes établies et il rendra compte de cet examen au Congrès ordinaire.
    2. Si le Congrès juge que la cause a été instruite selon les normes de la loi, il désignera le Rapporteur à qui confier cette cause ; ce dernier, avec un collaborateur externe, préparera la Position sur les vertus ou sur le martyre, dans le respect des règles de la critique historico-hagiographique.
    3. Pour les causes anciennes et pour les causes récentes, dont le caractère particulier le requerrait au jugement du Rapporteur général, la Position, une fois publiée, sera soumise à l’examen de Consulteurs spécialistes en la matière pour qu’ils donnent leur avis sur sa valeur scientifique et qu’ils indiquent si son contenu est suffisant à fonder un jugement sur le fond de la cause.
    Dans des cas particuliers, la Sacrée Congrégation pourra charger d’autres spécialistes, ne faisant pas partie du groupe des Consulteurs, d’étudier la Position.
    4. La Position (jointe aux jugements écrits des Consulteurs historiens ainsi qu’aux nouveaux éclaircissements apportés par le Rapporteur, si nécessaire) sera remise aux Consulteurs théologiens qui donneront leur avis sur le fond de la cause ; avec le Promoteur de la foi, il leur appartient d’étudier la cause de sorte que, avant qu’elles ne soient discutées au Congrès particulier, les questions théologiques faisant éventuellement difficulté aient été l’objet de la part de chacun d’entre eux d’un examen approfondi.
    5. Les jugements définitifs des Consulteurs théologiens seront remis avec les conclusions rédigées par le Promoteur de la foi aux Cardinaux et aux Évêques qui se prononceront sur la cause en examen.

14) La Congrégation examine les miracles présumés de la façon suivante:

    1. Les miracles présumés, sur lesquels le Rapporteur désigné à cet effet aura préparé une Position, seront étudiés à la réunion des experts (s’il s’agit de guérisons, à la réunion des médecins), dont les jugements et les conclusions seront exposés dans un rapport rédigé avec soin.
    2. Ensuite, ces miracles seront discutés au cours du Congrès particulier des théologiens et, enfin, dans la Congrégation des Cardinaux et Évêques.

15) Les avis des Cardinaux et des Évêques seront rapportés au Souverain Pontife qui seul a droit de décision quant au culte ecclésiastique public à rendre aux Serviteurs de Dieu.

16) Pour les Causes de canonisation dont le jugement est actuellement en cours auprès de la Sacrée Congrégation, celle-ci décidera, par un décret particulier, comment poursuivre la procédure en respectant toutefois l’esprit de cette nouvelle législation.

17) Ce que Nous ordonnons par la présente constitution entre en vigueur à partir de ce jour.

    Nous voulons que tout ce que Nous avons établi et prescrit ait valeur durable et efficace maintenant et à l’avenir, nonobstant, dans la mesure où cela est nécessaire, toute disposition contraire des Constitutions et des Ordonnances apostoliques promulguées par Nos Prédécesseurs, ainsi que les autres prescriptions même dignes de mention spéciale et de dérogation.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 25 janvier 1983, en la cinquième année de Notre Pontificat.

Jean Paul II

AAS 75 (1983), pp. 349-355.

 

(1) Const. dogm. Lumen gentium, n. 40.
(2) Cfr. ibid, n. 50.
(3) Const. Apost. Immensa Aeterni Dei, diei 22 ianuarii 1588. Cfr. Bullarium Romanum, ed. Taurinensis, t. VIII, pp. 985-999.
(4) Litt. Apost. Caelestis Hierusalem cives, diei 5 iulii 1634 ; Urbani VIII P.O.M. Decreta servanda in beatificatione et canonizatione Sanctorum, diei 12 martii 1642.
(5) AAS 22 (1930), pp. 87-88.
(6) AAS 31 (1939), pp. 174-175.
(7) AAS 61 (1969), pp. 149-153.
(8) Ibid., nn. 3-4.
(9) AAS 61 (1969), pp. 297-305.